Rencontre des quartiers – Comment faire évoluer la posture des politiques dans le cadre de la nouvelle politique de la participation ?

Par Selam Mebrahtu – Strategic Design Scenarios

Dynamique locale : Bruxelles-Ville
Thématique : culture de la participation
Expérimentation n°8

Cette expérimentation vise à questionner les formats classiques des ‘rencontres de quartiers’, voire à trouver un format mieux adapté.

En mars 2019, la ville de Bruxelles a décidé de tester un nouveau format pour ses ‘rencontres des quartier’. En effet, chaque année le Bourgmestre et les Echevins font la tournée des quartiers mais dans un format jusque là resté rigide : les élus sur une estrade d’un côté et les citoyens de l’autre. VILCO a donc accompagné la nouvelle majorité (en place depuis les élections d’octobre 2018) dans la co-construction d’un nouveau ‘scénario de rencontre’ et dans la conception d’outils pour faciliter l’échange citoyen/échevin.

Objectifs des ‘rencontres de quartiers’: présenter la nouvelle politique de la ville de Bruxelles en termes de participation, faire connaissance avec les nouveaux échevins, rencontrer les citoyens et écouter ce qui se vit dans les quartiers.

Format traditionnel des ‘rencontres de quartiers’

Tous les habitants sont, quartier par quartier, conviés à ces réunions pour poser des questions sur les projets de la Ville pour leur quartier et exprimer des remarques. C’est l’occasion pour eux de rencontrer et échanger avec leurs élus sur ce qui se passent dans leur quartier. Cependant le format habituel les contraint d’exprimer des remarques, d’aborder des problèmes et de poser des questions. Car bien que les politiques considèrent que les habitants comme des experts de leur quartier, ils ne les sollicitent pas pour trouver des solutions à des problèmes identifiés ou pour proposer des améliorations.

De ce constat, la ville de Bruxelles a souhaité, en collaboration avec VILCO, définir et faire évoluer le format de ces forums. L’idée était d’aller vers une formule plus propice aux discussions et à la collaboration et qui remplacerai le format ‘face à face’ qui place les politiques en position défensive (ils doivent justifier ce qu’ils font ou ce qu’ils ont fait) et les citoyens dans une posture de critique ou de plainte.

Proposition de format par VILCO

Après une première observation d’une séance de rencontre organisée par la ville de Bruxelles, l’équipe VILCO a proposé un nouveau scénario reposant sur les éléments suivants.

Cibler les objectifs

concevoir l’événement pour ne répondre qu’à 1 ou 2 objectifs complémentaires et claires pour ne pas désorienter et frustrer les citoyens et les politiques.

Soigner l’accueil

l’accueil des habitants joue un rôle clé dans l’interaction qui s’installe entre les acteurs durant l’événement. Le lieu de la rencontre doit être clairement identifiable de la rue (bien signalé, visible et accueillant) et doit « donner envie » d’aller voir ce qui s’y passe. L’accueil est le premier point de contact physique avec les citoyens, si celui-ci est purement « administratif » (inscription sur une feuille), il donne un ton très classique à l’événement. On pourrait tout à fait imaginer que l’accueil se fasse en dehors du bâtiment avec un stand auquel on distribue aux citoyens qui arrivent une carte/un objet/une tasse de café ou autre. L’inscription « administrative » peut se faire une fois arrivée dans la salle avec une liste d’émargement à signer.
Accueillir les habitants c’est aussi « prendre soin » d’eux. Les citoyens viennent gratuitement à cet événement et prennent de leur temps, il convient donc de les accueillir chaleureusement avec de quoi se restaurer. De plus, partager un moment en grignotant et buvant permet de donner un caractère convivial et chaleureux à la rencontre. Pour les prochaines rencontres nous pourrions tout à fait imaginer proposer un « buffet participatif » où chacun ramène de quoi manger et boire.

Penser à l’agencement de la salle

Il est important de « designer » l’événement de sorte que sa forme corresponde à son objectif. Si on souhaite installer une conversation citoyenne-échevins informelle et conviviale, alors on installe un esprit de fête populaire (musique, buffet, etc.), en revanche si on souhaite un vrai temps de travail « sérieux » alors on organise l’espace avec des tables de travail, des panneaux identifiants les thèmes de chaque table, une prise de note et restitution rigoureuse (visibles, lisibles par tous). Étant donné que chaque salle sera différente et pas toujours « adaptée » ou « idéale » il faut prévoir d’installer le « décorum » de manière légère et mobile…

Outiller les participants

Pour faciliter les interactions, plusieurs outils ont été conçus

Des affiches qui exposent les points principaux de la nouvelles politique de la participation de la ville de Bruxelles

Un support sur table pour améliorer la visibilité des noms des échevins et les 12 thématiques de chaque table

Une carte du quartier pour situer les conversations

Une fiche diagnostic pour identifier des éléments du quartier à améliorer

 

Une fiche suggestion qui fait appel à l’expertise des habitants du quartier pour proposer des solutions et des pistes d’améliorations pour répondre conjointement aux problèmes identifiés

Organiser la rencontre

En ce qui concerne l’organisation, les points suivants d’améliorations ont été proposés : briefing préalable des échevins, identification des questions précises à aborder sur chaque table et recrutement des animateurs de tables (finalement abandonnés par manque de temps et de budget).

Feedback

Bruxelles Participation souhaite engager une nouvelle relation avec ses habitants, plus proche, plus à l’écoute, plus empathique, plus participative. Pour les prochaines rencontres, il sera important de prendre le temps nécessaire pour briefer les échevins quant à la posture qu’ils doivent adopter (être à l’écoute, se retenir de “régler les problèmes“ et de se justifier, distribuer la parole, etc).

Passer par des animateurs extérieurs – rôles joués par les membres de l’équipe VILCO – pour modérer les échanges permet une meilleure distribution du temps de parole et un cadrage des débats sans crainte de jugement de la part des citoyens et des politiques.

Ce manque d’animateurs/rédacteurs extérieurs a également influencé la qualité de la retranscription des échanges, tâche qui fût longue et difficile pour les agents du service de la ville. Pour les prochaines rencontres de quartier il faudra donc miser sur  des consignes plus stricte (faire des phrases par exemple) et veiller à les faire respecter.

Afin d’encourager la ville de Bruxelles à être dans une démarche d’amélioration continue, nous avons intégré un questionnaire à remplir à la fin de l’atelier pour récupérer à chaud les ressentis et les suggestions d’améliorations de la part des citoyens ce qui nous a permis d’améliorer la méthodologie générale.

Le changement de posture des Échevins a mis en évidence de nouveaux besoins et des nouvelles compétences à acquérir pour mener à bien les prochaines rencontres de quartiers. Nous suggérons fortement une formation à la culture de la participation pour que les politiques puissent se sentir à l’aise dans ce nouveau format que la Ville de Bruxelles est en train de construire.

Cette expérimentation montre qu’il est possible de faire évoluer le format en y apportant quelques adaptations pour qu’il devienne une véritable expérience de rencontre, de partage et de collaboration entre politiques et citoyens. Ce nouveau format propice aux dialogues ‘au même niveau’ les aidera à développer la confiance et à adopter un esprit de collaboration pour co-construire et améliorer leur quartier.

« … j’ai trouvé ça super que les échevins prennent ce temps là pour rencontrer les citoyens, qu’ils se mettent à la même table que nous. Mais c’était aussi extrêmement frustrant. La parole était mal distribuée, le plus rapide ou le plus bavard pouvait facilement l’avoir pendant 5/10 minutes sur les 20 minutes disponibles… » (retour d’un citoyen après la première Rencontre des quartiers)