Rapport de recherche VILCO – Année 2 et avis du Comité de recherche

Muriel Frisque – Brulocalis

Voici près de 2 ans que le projet de VILCO est en cours. Le rapport de recherche en annexe revient sur les actions menées et propose certains commentaires exprimés par les acteurs qui participent à l’étude ou gravitent autour d’elle.

Ce rapport est présenté aux personnes qui accompagnent le projet au sein d’Innoviris ainsi qu’à un ou plusieurs acteurs dont l’expérience et l’avis doivent permettre au projet d’aller encore plus loin. Dans ce cas-ci, il s’agit de Lionel Larqué, délégué général d’Alliance Sciences Société (ALLISS), une association qui a pour vocation de promouvoir  les interactions et les coopérations entre les acteurs de la société civile et les institutions et établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

L’avis rendu par ce ‘Comité scientifique‘ à propos du second rapport de recherche VILCO se trouve ci-dessous.

Avis du Comité scientifique VILCO sur rapport de recherche présenté le 9 mai 2019

Le comité souligne une amélioration significative du projet au cours des 12 derniers mois. Il reconnait l’énergie et la qualité du travail fourni dans un contexte parfois difficile et où la pratique de la cocréation peut-être particulièrement contraignante par rapport à des projets de recherche plus conventionnels.

Comme le mentionne le rapport, le projet VILCO poursuit sa route. Nous ajouterions cependant qu’il poursuit une route un peu trop bien tracée. Nous ne disons pas que la route est lisse et tranquille. Nous pensons par contre que chacun prend un peu la route qu’il connait. Ainsi la recherche devient plus un projet à gérer ou chacun fait sa tâche plutôt qu’un projet de Co-recherche où l’ensemble des partenaires décident d’explorer de nouvelles routes ouvertes par les inattendus. Nous pensons qu’il y a un risque certain à ce que la recherche devienne plus une étude et un accompagnement d’initiatives avec des processus bien désignés et en oublie la perspective disruptive et prospective.

Cela se reflète dans le rapport qui amène à une lecture un peu sans relief qui parfois rappelle plus un rapport de consultance qu’un rapport de recherche.

En ce sens Il nous semble important de repréciser que Co-create n’est pas un programme pour financer la recherche-action. Co-create est un programme pour financer la recherche appliquée en Co-création. Nous avons parfois utilisé la notion de recherche participative. Parfois aussi les notions de Recherche-action participative. Cela signifie que le cœur du programme est la participation à la recherche. Le seul moment où nous faisons référence à la notion de recherche-action est pour évoquer le déplacement que le chercheur académique doit réaliser en s’ancrant dans l’action. Et le terme action évoque plus la réalité de terrain, l’usage des nouveaux savoirs.

Ainsi, les idées « correctives » nous semblent rapidement sortir le projet d’un projet de recherche et le ramener à un projet d’accompagnement et de résolution de problème : « débugger » la collaboration. La recherche semble plus se situer au niveau des méthodes et de l’ingénierie de la collaboration que d’une interrogation sur les raisons sous-jacentes à certains comportements. Le projet devrait résolument se concentrer sur les idées « transformatrices [… qui] se veulent plus disruptives, projectives et ambitieuses. » En d’autres termes, offrez la possibilité aux co-chercheurs du projet d’expérimenter des utopies, dans ce cadre sécurisé qu’est un projet financé.

Concrètement, le rapport mentionne par exemple : « En revanche – et cela est particulièrement inattendu – la mobilisation ou l’adhésion des habitants est l’une des ressources les plus difficiles à obtenir et rare pour les initiatives. » Mais cet inattendu n’est pas exploré dans le dispositif expérimental. Or, il nous semble qu’il y a ici un enjeu crucial de résilience : sur quoi repose
aujourd’hui la mobilisation et l’adhésion ? Qui se mobilise ? Il manque ici des éléments de sociologie de la participation. Une réflexion autour de questions relevant de la gouvernance manque. Il faut remettre le contenu et le sens au cœur du travail, en dépassant les aspects de type méthodologiques.

Il serait intéressant de créer les conditions pour que ces questions du sens, du contenu et de la plus-value de la collaboration au sein des communes fassent partie du « design » général du projet, auxquelles tous doivent participer. La couche qui permet de renforcer l’action est cette réflexion sur le sens. Sinon, dès qu’il y a un changement de politique, tout est balayé. Ainsi, à titre d’exemple: qu’est-ce que la collaboration dans la ville peut améliorer dans la vie des gens? Est-il possible de concevoir un design où les gens peuvent y réfléchir et s’exprimer par rapport à la pratique? Cela peut prendre des formes très différentes (y compris artistique) mais le contenu viendra des gens.

Il nous semble aussi qu’il ait une compréhension différente de la notion d’expérimentation. L’expérimentation est un dispositif qui s’inscrit dans un dispositif de co-recherche. Il est donc lié aux hypothèses, questions que l’on se pose et paramètres que l’on a besoin de tester pour répondre à la question de recherche. En ce cens nous préférons la notion d’expérimentation que vous empruntez à la notion d’expérimentation à la méthode expérimentale scientifique. Le projet semble par contre suivre la voie empruntée au design de projet qui à Innoviris correspond à d’autres programmes (proof of concept, développement expérimental, etc) impliquant d’autres règles de financement.

Ici les expérimentations semblent assez déconnectées du dispositif de co-recherche. Du moins pour les personnes hors du noyau de partenaires. Lorsqu’on reste dans une logique de recherche action il n’est pas étonnant que les demandes du terrain soient des demandes d’action d’aide et de résolution de problèmes. Ces actions sont alors souvent traduites en expérimentations pour utiliser le langage de la recherche.

Cela laisse douter d’une réelle communauté de sens autour des questions de recherche et de la nécessité de réaliser un projet de recherche. Il faut donc poursuivre les efforts pour tenter à ce que le public ne soit plus public mais réellement partie prenante de la recherche.

Le jalon 3 Prise de recul, analyse et capitalisation, nous semble donc essentiel. Et même si l’appui d’un collaborateur académique peut aider, l’action Co-create repose sur la reconnaissance des acteurs de terrain dans leur capacité à être des acteurs de recherche. Dans le cadre de ce projet les Co-chercheurs doivent oublier la distinction acteurs de la recherche et acteurs de terrain.

Nous nous permettons finalement de rappeler au projet sa question recherche : « Comment administrations locales et citoyens peuvent-ils travailler de manière collaborative pour développer des initiatives de résilience locale ? ».

Nous pensons que le projet poursuit une autre question qui est « Comment faire pour améliorer la collaboration entre administrations locales et initiatives citoyennes ? ». Il y a beaucoup de chance qu’avec une telle question le projet n’ait pas été sélectionné. Tout d’abord elle reflète plus une question opérationnelle d’amélioration qu’une question de recherche disruptive et prospective. En ce sens nous nous sommes déjà exprimés. Mais par ailleurs, elle évacue les perspectives de résilience
locale. Le projet contourne un peu la question en mentionnant que c’est la résilience des initiatives citoyennes qui est visée. Mais résilience locale n’est pas nécessairement résilience des initiatives citoyennes. Et si c’est l’hypothèse qui est faite, alors dans le cadre d’un projet de recherche elle se doit d’être réfléchie et questionnée notamment via des expérimentations de recherche. Quand on pose la question, « Comment administrations locales et citoyens peuvent collaborer pour développer
des initiatives de résilience locale ? », il est pertinent de se poser la question est-ce que les modes de participation telles que vous les expérimenter (vos expérimentations) sont des formes de collaborations qui permettent de développer des initiatives de résilience locales.

En conclusion nous estimons que le projet avance bien et produit des résultats très intéressant. Entrer dans une démarche de co-recherche avec la société civile et les acteurs institutionnels est encore loin d’être naturelle. Cela demande donc de l’énergie et de la vigilance car nombreuses sont les occasions nous invitant à rester sur nos acquis. Mais la démarche n’est pas illusoire : remet-on aujourd’hui en cause la recherche industrielle et les projets de recherche collaboratif entre universités et entreprises ? Ainsi les remarques faites ci-dessous sont surtout une invitation à continuer à mettre de l’énergie dans cette démarche ce qui peut impliquer de faire des choix par rapport à des tâches et des actions qui elles aussi demandent de l’énergie mais pour d’autres finalités.

Nous recommandons donc au projet de bien intégrer ses résultats et observations dans un dispositif de co-recherche et de ne pas se laisser aller vers de l’accompagnement, du soutien et de l’amélioration. Pour ce faire nous estimons qu’il est important

* de bien remettre la question de recherche au centre du projet
* de garantir une communauté de sens élargie autour de la problématique de résilience
* de garantir une communauté de sens élargie autour de la recherche
* de connecter les expérimentations à la question de recherche

Nous rappelons donc à ce titre des éléments clef d’un projet Co-create.

  1. Adresser une problématique de résilience faisant du sens pour chaque participant.
  2. Proposer une nouvelle idée, des changements, de nouvelles choses, des innovations, adaptations en rupture avec les pratiques ou normes.
  3. Proposer une équipe d’explorateurs : les personnes concernées par le projet et qui souhaitent explorer, chercher et expérimenter. Ce sont les co-chercheurs. Les explorateurs doivent faire le choix et accepter de prendre le risque de l’exploration, d’aller en terre inconnue, d’expérimenter des pistes qu’ils n’oseraient pas explorer dans le cadre de leur
    fonction courante. Ils doivent donc s’assurer qu’ils auront la liberté pour réaliser ces explorations dans le cadre du projet. Ceci implique également de croiser des publics différents qui ne s’opposent pas sur le fond du projet mais dont les logiques peuvent être différentes voire divergentes au quotidien.
  4. Proposer un dispositif exploratoire (de co-recherche) maîtriser par l’ensemble des participant et comprenant
    a. Une ou plusieurs sous-questions communes, faisant du sens pour chaque
    participant et pouvant intégrer une expertise d’usage, de vie, de réel.
    b. une ou des méthode(s) de recherche partagée(s) permettant la production
    de savoirs pour tous les acteurs
    c. un ou plusieurs dispositifs de co-expérimentation ancré(s) dans le
    contexte réel (un lieu dans la ville, un quartier, un bâtiment, etc) et
    sollicitant la problématique de résilience visée
    d. une co-évaluation et une co-validation des résultats
    e. une co-valorisation des résultats en relation avec la problématique
    adressée et l’innovation souhaitée