Régler les curseurs de la co-création

Comment concilier une démarche cadrée à l’avance et une ouverture à la co-création ? Comment naviguer entre co-création systématique et chronophage et co-élaboration à la marge sur des éléments résiduels ou périphériques ? Comment distribuer la co-création équitablement entre les parties prenantes sans tomber dans un formalisme scrupuleux et protocolaire ? Comment dépasser la conversation comprise comme un jeu à somme nulle pour installer une co-création constructive qui invente des solutions qui n’étaient pas là auparavant ? Comment écouter les voix qui ne sont pas assez entendues et l’idée que la création distribuée apporte toujours une meilleure solution ? Comment éviter la co-création comme une idéologie ? Etc.

Autant de questions et bien plus encore que certainement se posent les acteurs de la co-création en général et en particulier les parties prenantes du projet VILCO : initiatives citoyennes, autorités locales, chercheurs, acteurs qui portent ce projet et ambitionnent de réinventer la collaboration au sein des dynamiques locales pour une meilleure résilience des villes.

Interroger le « co-everything »

VILCO est né au sein du programme CO-CREATE d’INNOVIRIS, l’Institut bruxellois pour la recherche scientifique. Il s’inscrit dans la grande mouvance du “co-everything” et la volonté aujourd’hui d’interroger l’effective efficience de ces approches depuis l’engouement pour le co-design des labos d’innovation publique jusqu’aux programmes SwafS Science For And with Society de la Commission Européenne. Comme SDS le notait  déjà (*) en 2015 en scannant les enseignements en termes d’innovation sociale des plus de 500 villes ayant participé aux programmes URBACT I et II, une évolution de la gouvernance des villes est en cours pour une meilleure collaboration avec les citoyennes et les citoyens. (Ré)inventer cette co-création comme mode de collaboration au sein des dynamiques locales dans les villes est au cœur du projet VILCO.

Les Milles feux et les affres de la co-creation

VILCO est un des multiples chantiers ouverts par les programmes INNOVIRIS en Région Bruxelles-Capitale : il est à la fois une concentration d’expertises sur la co-création et un objet d’expérimentation de cette co-création. Confrontés comme tous les autres projets CO-CREATE aux mille feux de la co-création – mais aussi aux affres de celle-ci – les porteurs du projet VILCO en tant que premier living lab de VILCO se sont mis-au-vert chez SDS le 30 novembre dernier pour expérimenter, en petit comité d’abord, un exercice qui pourrait s’intituler : « Régler les curseurs de la co-création ». L’objectif était de s’interroger ensemble sur le comment de co-création et sur les modalités à adopter dans un groupe de travail.

Identifier les dimensions sur lesquelles régler les curseurs

L’exercice procédait en 2 parties

Dans un premier temps, nous avons cherché à identifier en sous-groupes des « in-sights » : qu’est-ce qui coince en matière de co-création ? Qu’est-ce qui est difficile ? Qu’est-ce qu’on loupe ? Qu’est-ce qui déraille ? Etc. Pour chaque problématique identifiée sur la co-création nous avons décrit une polarité sous-jacente sur laquelle il fallait « régler le curseur ». Parmi les nombreuses problématiques identifiées, en voici quelques unes : Dans un processus de co-création tout doit il être transparent à 100% quitte à alourdir le projet pour permettre cette transparence ? Les décisions doivent elles être toutes co-décidées ou bien déléguées à une ou plusieurs personnes qui ont le mandat pour décider ? Un processus de co-création doit-il être cadré par un ensemble de règles définies ou bien ouvert, improvisé et non balisé (hors-pistes) ? Comment définir qui doit participer au processus de co-création : qu’est ce qui rend chaque partie prenante légitime à participer au processus de co-création et d’où vient cette légitimité ? Ou encore, comment se positionner entre « c’est le processus qui est important, le résultat on s’en fout » versus « c’est le résultat qui est important peu importe comment on y arrive » ? Etc.

Dans un deuxième temps, nous avons cherché à régler les curseurs : chaque sous-groupe a installé successivement les polarités qu’il avait identifiées sur un grand axe matérialisé au sol. Chacun a positionné son propre curseur personnel et, à la manière d’un débat mouvant, les regroupements formés ont échangé leurs arguments contrastés. In fine, nous avons cherché sur chaque dimension de la co-création identifiée à déplacer le curseur du groupe de travail de « comment c’est maintenant » à « comment on voudrait que ce soit » à l’avenir.

Des dimensions multiples mais pas impénétrables

Après 3 heures de débat et de « réglage de curseurs » sur les multiples dimensions soulevées par les processus de co-création, les discussions au sein du groupe d’acteurs qui portent le projet VILCO ont montré des divergences de positionnement, de perceptions, d’habitudes personnelles et de pratiques professionnelles. Une première synthèse est en cours pour extraire les dimensions les plus significatives – du moins celles qui ont émergées jusqu’à hier – mais beaucoup de travail reste à faire avec tous les acteurs des dynamiques locales au cœur de VILCO et la richesse que représente leurs expériences multiples.

Notre intention était de s’essayer en petit comité pour éprouver l’intérêt de cette approche et en affiner les modalités. L’exercice semble prometteur: les dimensions de la co-création sont multiples mais ses chemins ne sont pas impénétrables !

François Jégou, Strategic Design Scenarios, novembre 2017

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(*) Jégou, F., Bonneau, M. 2015. Social innovation in cities, URBACT II capitalisation, URBACT Publishing, Paris. http://www.strategicdesignscenarios.net/social-innovation-in-cities/