Visite croisée 1000 Bruxelles en Transition & Ville de Bruxelles

23 mars 2018

Pour la troisième visite croisée de VILCO, la Ville de Bruxelles reçoit le collectif citoyen 1000 Bruxelles en Transition. La visite commence au bas des escalators qui, du boulevard Anspach à travers couloirs et ascenseurs, nous mène au 14e étage de l’administration de la Ville de Bruxelles. Une vue magnifique sur tout le territoire de la ville et presque à 360° ! Des bureaux de prédilection pour une administration qui voit de loin et au loin ou au contraire la symbolique d’une posture en surplomb ?
« L’enjeu est de faire collaborer les citoyens avec la ville mais aussi de faire collaborer la ville avec les citoyens » souligne Ann Van de Vyvere, Directrice de la participation citoyenne à la Ville de Bruxelles.

Au-delà de la vue panoramique, le 14e étage permet de pointer aux visiteurs les bâtiments abritant actuellement différents services de la Ville ainsi que l’emplacement du futur grand centre administratif qui accueillera dans un même lieu l’ensemble de ces services à l’horizon 2021. Le tout dans une perspective de passage au tout informatique, « flexdesk », télétravail et la panoplie complète des « NWOW », les New Ways Of Working (nouvelles façons de travailler) de l’administration au goût du jour.

La discussion roule sur ces perspectives de transformation de l’administration avec des questionnements de part et d’autre : est-ce qu’une administration plus digitale sera une administration plus légère et souple ; la co-présence des agents sur un même lieu sera-t-elle un vecteur de transversalité entre les départements ; quels sont les potentiels risques d’effets rebond des NWOW à l’instar du zéro papier des années 90 qui s’est traduit par une augmentation des impressions de documents ; etc.

Se mettre à la place de l’autre…

Les participants redescendent des cimes de Bruxelles pour se réunir dans une salle de l’Hôtel de ville. Après un mot de bienvenue et d’encouragement au projet VILCO de Khalid Zian, Echevin de l’Environnement, du Développement durable et des Espaces verts, les échanges entre les participants commencent par la désormais traditionnelle “présentation inversée” de VILCO. L’initiative citoyenne présente l’administration et inversement. Cet exercice ludique d’entrée en matière se révèle aussi très intéressant car présenter l’autre suppose de se mettre à sa place, de faire l’effort de s’informer sur ce qu’il fait, de prendre le risque de présenter sous son contrôle ce que l’on a compris de qui il est. Et c’est bien dans la différence entre nos perceptions que l’on peut débusquer les décalages, les différences d’appréciation et parfois les risques d’une incompréhension. C’est sortir de ses préjugés, les démasquer et le plus souvent les désamorcer.

Prenons un exemple : pour la ville de Bruxelles , 1000 Bruxelles en Transition est un collectif d’une trentaine de bénévoles. « Non ce n’est pas tout à fait cela, répliquent les intéressés, il y a 8 personnes dans le noyau de coordinateurs, 150 bénévoles mobilisables dans les Repair Cafés et plus de 6000 amis sur la page Facebook ! »

Si elle reste anecdotique cette différence de perception n’en n’est pas moins significative. Les deux entités en présence ne raisonnent peut-être pas tout à fait de la même manière en terme d’effectifs. Les services de l’administration dont les forces vives s’évaluent en ETP (Equivalent Temps Plein) semblent percevoir 1000 Bruxelles en Transition par la trentaine de bénévoles qu’elle rencontre au gré des réunions. L’initiative citoyenne 1000 Bruxelles en Transition paraît plus se penser en terme de lien, de réseau mobilisable et de coordination susceptible d’activer ces liens.

Cette disparité n’est pas anodine : les volontaires sont fluides, potentiellement nombreux s’ils y trouvent leur compte mais on ne peut pas compter sur eux si ce n’est pas le cas. L’administration est quant à elle un effectif stable, le lien y est surtout hiérarchique et très peu transversal. Une architecture formelle verticale en face d’une structure informelle horizontale. Prendre conscience de ce décalage et de tant d’autres est un premier pas vers une meilleure collaboration.

Conversation au fil des cartes de discussion…

Une fois les présentations faites, deux ateliers se déroulent en parallèle. Dans le premier les participants tirent des « Cartes de discussion », les commentent et les classent. Comme leur nom le suggère ces cartes affirment des hypothèses (sur les notions de confiance, de transparence, de responsabilité, d’objectifs, de compromis, etc.) pour stimuler la discussion sur les conditions d’une collaboration améliorée.

Pour la collaboration, « partager une vision c’est clé ! » . Or c’est loin d’être aussi évident dans les faits : si pour un collectif citoyen la vision partagée est souvent l’essence même de l’initiative, pour les services, les différents niveaux de visions (orientations données par les élus, projet d’administration, vocation des chaque département, position personnelle de l’agent, etc.) se superposent sans toujours s’aligner.

L’idée d’une collaboration qui serait “gagnant-gagnant” interroge sur la supposée dualité initiative citoyenne-administration communale : « la Ville bénéficie de ce que les initiatives génèrent sur le territoire » mais « la ville est là pour les citoyens, sans devoir y gagner« . Et « si la ville bénéficie d’un partenariat avec une initiative citoyenne, ce sont les citoyens qui y gagnent, pas la Ville« . La Ville semble incarner par défaut l’intérêt collectif mais apparaît comme partie adverse dès lors que cet intérêt collectif n’est pas aligné avec l’intérêt individuel de l’initiative ?

Points de vue sur une même situation…

À la mi-temps les participants tournent entre les deux ateliers. Le second atelier propose d’analyser collectivement quelques situations partant soit de cas de collaboration qui se sont bien passés, soit de cas qui se sont moins bien passés.

Les tribulations de l’implantation d’une borne vélo posent la question de l’accès à l’administration.  « Nous avons le budget pour cette borne vélo. Nous avons besoin d’une personne qui nous aide pour trouver un emplacement » ; « je n’arrive pas à avoir un interlocuteur, je tombe sur un répondeur pendant les heures de travail  » ; « j’ai du mal à savoir à qui m’adresser« . Pour les initiatives citoyennes trouver la bonne porte d’entrée dans l’administration, identifier la bonne personne reste un défi.

Les subsides de la Cellule de Développement de la Ville de Bruxelles sont cités en exemple de bonne conciliation entre rigueur administrative et accessibilité pour les citoyens. « Ces subsides ne sont pas trop lourds à obtenir et la paperasse est limitée » ;  « l’objectif est dans nos valeurs. Le format est assez flexible. Il y a de l’humain » ; « il y a une volonté de le rendre accessible aux habitants. L’argent doit être justifié. Les pièces justificatives sont importantes. Le rapport, lui est secondaire » ; « nous écoutons les citoyens mais c’est un jury qui choisit les projets, pas le service, et les décisions sont ensuite validées par le Collège« .

Au fil des discussions on pointe les problèmes : les délais qui sont trop longs ; l’inertie dans les pratiques administratives; les court-circuitages entre citoyens, élus et administration, etc. Mais on identifie aussi les bonnes pratiques : le dialogue ; la souplesse ; se mettre à la place de l’autre pour en comprendre mieux les contraintes ; etc. Enfin on cherche ensemble des solutions : une meilleure connaissance mutuelle ; un coach ou un intermédiaire comme il existe dans certaines villes, des Médiateurs verts ou des Agents de quartier[1] qui fonctionnent un peu comme des généralistes de l’administration à la fois au contact des citoyens et intermédiaires vers les spécialistes dans chaque département de la Ville.

Comme le souligne un des citoyens présent : « les gens viennent toujours avec des problèmes dans les rencontres avec la Ville. On a tous la responsabilité d’avoir une attitude constructive ». Et c’est bien là l’intérêt de l’approche de ces ateliers VILCO. Les Cartes de discussion comme les Analyses de situations permettent une attitude réflexive : les différents acteurs n’ont pas souvent l’occasion de revenir ensemble sur un cas, de le décortiquer pour séparer les avancées des écueils, débusquer les incompréhensions et ce à froid, avec le recul d’un « observateur » plus que d’une « parties prenante ». On reconnait les manquements respectifs, on se met à la place de l’autre, et l’on refait l’histoire avec des « si… » qui sont autant de pistes d’innovation pour la suite de VILCO !

[1] Voir l’article sur le rôle des Agents de quartier à Gand et à and Amersfoort : Building bridges to cross-over, REFILL Mag #2 p12